Tout le monde connait les trois petits cochons et pourtant personne ne sait qu’ils existent vraiment. Personne sauf Dominique Garing.
Le réalisateur de « La vie sauvage des animaux domestiques » est en effet parvenu à réunir dans le même film une dimension documentaire, au plus près de la vie réelle des animaux avec ce qu’elle comporte de tragique et de cruel et une part de fiction pleine d’innocence et de fraicheur à même de fédérer un public aussi large qu’éclectique.
Ainsi, la vie porcine est, certes, filmée de la naissance au départ pour l’engraissage qui symbolise de manière habile le funeste sort de ces jambons sur pattes, mais la jeunesse des porcelets, dont trois se distinguent par leur appétit de découverte, donne lieu à une scène de baignade et de course dans les champs de blé digne des grands classiques du dessin animé ou du conte.
Du conte, La vie sauvage des animaux domestiques en a d’ailleurs gardé la narration et c’est sans nul doute sa plus grande prouesse. La voix d’André Dussollier qui accompagne le spectateur dans les méandres de la ferme est un pur délice pour les oreilles. C’est elle qui au travers des mots drôles et attachants du commentaire signé Marie-Pierre Duhamel Muller permet d’humaniser les animaux pourtant filmés dans des situations bien réelles et dénuées de tout anthropomorphisme. Là ou un simple documentaire verrait une poule à la recherche d’espace pour pondre, La vie sauvage… préfère parler « de crise du logement sans précédent » chez les gallinacés. Le ton est donné.
Vif et authentique, le rythme de ce film singulier interpelle également. Qu’importe les règles élémentaires de la dramaturgie ou les exigences de la fiction, le dindon n’aura jamais la vivacité de la souris. Le chat sera toujours moins alerte que le renard et c’est tant mieux car ce sont toutes ces petites imperfections qui rappellent l’authenticité des comportements filmés. Certains pourront reprocher la longueur de quelques scènes, mais il faut bien se rendre à l’évidence que la célérité n’est pas la raison de vivre de l’escargot et que suivre un hérisson nécessite certaines aptitudes dont l’impatience et l’empressement sont définitivement exclues !
La musique souligne d’ailleurs à merveille les particularités de chacune des espèces. A chaque animal correspond ainsi un thème dont l’orchestration évolue en fonction de la dramaturgie qui lui est associée. Cet ingénieux système permet de donner à une course poursuite entre un chat et une souris, somme toute banale, des allures de cartoon à faire pâlir de jalousie Tom et Jerry.
Associant avec adresse la rigueur du documentaire à la folie de la fiction, La vie sauvage des animaux domestiques est un film aussi plaisant que pédagogique dans lequel l’ennui n’a décidément pas sa place. Bref, l’immersion à la ferme dans la peau d’un chat ou d’une poule vaut vraiment le détour, ne serait-ce que pour le plaisir d’un face à face de quelques instants avec un hérisson. Rare.